La poursuite criminelle – 1ère partie.

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Par Me Rabih Habib, Avocat en droit criminel et pénal.


Le cheminement d’une poursuite judiciaire en matière criminelle est une procédure lente et laborieuse dans laquelle il faut faire preuve de vigilance, d’inertie, de discipline et d’imagination. Une explication exhaustive de chaque étape de ce processus pourrait facilement m’amener à écrire un ouvrage en raison des multiples surprises et avenues possibles à explorer. Par conséquent, je me limiterai aux principales lignes de cette branche de droit. Ainsi, je ne survolerai pas les différentes juridictions criminelles, les requêtes préliminaires, le fardeau de preuve et les différents moyens de défense.

Notre constitution, l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, plus communément appelé la Loi constitutionnelle de 1867, a donné la compétence en matière criminelle au fédéral. La majorité de nos infractions ont alors été rédigées dans le Code criminel, dans lequel l’on retrouve une grande partie dédiée à la procédure et à la preuve. Par conséquent, de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse, nous sommes tous régis par le même Code criminel, ce qui est loin d’être le cas en civil et aux États-Unis où chaque État a un pouvoir de légiférer en cette matière, d’où la raison que l’on retrouve la peine de mort dans des États et dans d’autres non.

Le processus judiciaire commence par l’interpellation de la police par un suspect suite à une plainte ou même lorsqu’il se trouve en train de commettre une infraction. Il est possible de faire une plainte suite à une infraction d’état (se retrouver dans une maison de débauche), de possession (avoir de la cocaïne ou une arme à feu prohibé) ou un acte (voie de fait). Le service de police décidera soit d’ouvrir une enquête ou non. Si les conclusions sont concluantes, la police soumettra ses preuves au Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales, plus connu comme le procureur de la Couronne. Si la preuve est jugée suffisante, le procureur pourra intenter une poursuite contre le suspect. Si la preuve est jugée insuffisante, cela n’amènera pas nécessairement à la fermeture du dossier mais pourrait plutôt occasionner une enquête plus ample et approfondie.

Dans les cas que la preuve est suffisante ou suite à l’arrestation d’un suspect par la police et sa remise en liberté, on remet au suspect une citation à comparaitre, une promesse de comparaitre ou un engagement de comparaitre. Sur ces formules, deux dates sont prescrites : l’une mentionnant le lieu et l’heure de la prise des empreintes digitales, l’autre le lieu et l’heure pour la première présentation devant un juge de paix (connu sous le terme de «comparution»). Toutefois, si le suspect n’a pas été remis en liberté suite à son interpellation par la police, il devra alors être détenu jusqu’à la comparution.

La comparution est la première fois qu’un accusé se présente devant un juge. À cette étape, l’accusé est formellement informé des infractions auxquelles il fait face. De plus, le procureur de la Couronne (la poursuite) doit lui communiquer toutes les preuves qu’il possède contre lui, notamment le récit des témoins, des policiers et les éléments matériaux. En effet, il n’est pas rare d’obtenir un CD-Rom d’un vidéo dans un contexte de vol à l’étalage. Par la suite, l’accusé devra décider s’il plaide coupable ou non aux accusations portées contre lui. Si ce dernier décide de plaider coupable, le juge n’est pas tenu de rendre une sentence dans l’immédiat, mais pourra saisir le dossier et reporter l’audition sur la peine à une autre date. Par contre, si l’accusé plaide non-coupable, le juge fixera une date pour procès. Aussi, il y a possibilité de fixer une date pro forma et c’est à ce stade que l’imagination prend le plus de valeur.

Dans un cas où l’accusé est détenu suite à son arrestation par la police et qu’il n’a pas été libéré, le juge tient une enquête sur sa mise en liberté. En raison que la règle générale est que l’accusé doit être mis en liberté suite à une arrestation, la poursuite devra démontrer que sa détention est nécessaire pour la sécurité du public ou pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice ou tout simplement pour assurer sa présence à la Cour. Il est intéressant de noter qu’il est possible dans un cas de crime grave, tel que le meurtre ou dans une situation dans laquelle le détenu était déjà poursuivi pour une autre infraction, que ce dernier se trouve dans une situation où il est dans son obligation de convaincre le juge pour être remis en liberté. Il y a de fortes chances que pour remettre en liberté un détenu, le juge fixera des conditions lesquelles devront être respectées, notamment tel que ne pas troubler l’ordre public, ne pas consommer de l’alcool ou de la drogue, de rester dans les limites juridictionnelles, de notifier à un agent de la paix tout changement dans la situation de l’accusé, de s’abstenir de communiquer avec la victime, un témoin ou tout autre personne et de s’abstenir de posséder des armes à feu. Il est fort utile de mentionner que le non-respect de ces conditions sans excuse légitime constitue une infraction criminelle en soi qui amène à une poursuite parallèle à l’infraction originale et à une révision de la mise en liberté.

Au stade du pro forma, il est possible de rentrer en contact avec la poursuite pour trouver un terrain d’entente quant à une éventuelle présentation d’une sentence entendue entre les deux parties devant un juge qui pourrait l’entériner. Lors de cette présentation, l’accusé devra bien souvent reconnaitre sa culpabilité ou reconnaitre qu’il aurait pu faire craindre à une personne des lésions corporelles ou n’endommage sa propriété. Aussi, bien souvent, l’avocat de la défense pourrait utiliser cette étape pour trouver un expert, tel que dans une agression sexuelle, il est possible qu’un sexologue évalue psychologiquement la capacité de l’accusé pour subir son procès. Bien souvent, ce stade est aussi utile pour trouver de l’aide à l’accusé pour bénéficier d’une sentence plus clémente, il suffit de penser à un récidiviste à l’infraction de faculté affaiblie qui pourrait éviter des mois d’emprisonnement à condition de suivre la thérapie offerte par le groupe Point final. Cette étape peut aussi permettre de donner plus de temps à l’accusé de faire une donation généreuse au Centre d’Aide aux Victimes d’Actes Criminels pour démontrer sa bonne foi et bénéficier d’une sentence plus indulgente.

Dans un cas de crime grave, tel que l’agression sexuelle armée, il est possible de demander une enquête préliminaire qui aura comme but général de déterminer si la poursuite détient assez de preuve pour que l’accusé subisse un procès. Ainsi, au stade de pro forma, l’accusé pourra demander une enquête préliminaire avant le procès. Une date sera assignée à cette enquête, l’accusé devra estimer le nombre d’heures nécessaires et le nombre de témoins à faire entendre. Ce stade est souvent aussi important que le procès en raison que le juge pourra conclure que la poursuite n’a pas assez de preuves pour aller en procès et, par conséquent, absoudre l’accusé. Ainsi, l’enquête se déroulera par la présentation de la poursuite des différents témoins. La défense contre-interrogera les témoins de la poursuite et pourra faire entendre les siens. À ce stade, la défense va notamment tester les témoins de la poursuite quant à leur crédibilité, d’obliger la poursuite de modifier l’acte d’accusation par la réduction des chefs d’accusation (diminution des infractions criminelles) et essayer de trouver un terrain d’entente avec la poursuite. Quant à la dernière, elle évaluera la valeur et le sérieux du dossier. Aussi, le témoignage recueilli lors de cette enquête pourrait être utilisé dans certaines circonstances lors du procès si le témoin décède, est devenu aliéné ou malade pour témoigner ou tout simplement s’est esquivé. Si le juge de paix en vient à la conclusion que la poursuite a assez de preuves, une date de procès sera alors fixée.

Pour plus d’informations, veuillez contacter Me Rabih Habib au 514-508-1960.

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