Du mépris des droits fondamentaux.

0
88

Par Me Vincent Valaï, avocat.Avocat en droit international

Les demandeurs d’asile semblent être les dernières victimes de la vision court-termiste du gouvernement conservateur, grâce au nouveau décret visant le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI).

Le décret au PFSI qui entre en vigueur le 30 juin 2012, créera une brèche dans la protection des soins de santé dont jouissaient les demandeurs d’asile depuis 1957, puisque des milliers de personnes en difficulté, notamment les demandeurs d’asile déboutés, n’auront plus droit à une protection temporaire en matière de santé.

Le gouvernement conservateur a tenté de justifier ces coupures par des arguments non fondés: économiser 100,000,000 $ pour les cinq prochaines années, et éviter que les demandeurs d’asile n’aient droit à des prestations plus généreuses que les Canadiens.

Mais le gouvernement conservateur fait preuve de mutisme quant aux conséquences humaines, sociales et financières de sa décision.

Conséquences financières

Le ministre Bolduc et plusieurs de ses collègues sont préoccupés par la situation. En effet qu’adviendra des coûts supplémentaires que ce décret engendrera dans les prochaines années, particulièrement pour les provinces ? Les urgences de nos hôpitaux ne déborderont-elles pas encore davantage face à l’afflux de milliers de personnes sans aucune couverture médicale ? Avons-nous les moyens d’engorger plus nos salles d’urgence ?

Conséquences sociales

On peut douter de l’argument voulant que les réfugiés auraient droit à de meilleurs soins de santé que les Canadiens. Il faut être de mauvaise foi et mal connaître le PFSI pour croire que ce programme offre un programme plus généreux que les prestations dont bénéficient les Canadiens. En fait le PFSI offre une protection temporaire visant à couvrir une population vulnérable, moins nantie et non admissible aux régimes d’assurance-maladie.

On peut également se questionner sur les conséquences de ces coupures sur la santé publique. Avons-nous donc franchement les moyens de sabrer dans les soins préventifs ?

Conséquences humaines

Le gouvernement semble enfin oublier que le droit à la santé est un droit fondamental, aussi important que les autres droits humains. Le droit à la santé n’est pas un ornement juridique ou une aspiration morale, et tous les êtres humains -sans exception – ont le droit de jouir de ce droit. Le Canada n’a-t-il pas ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont l’article 12 prévoit ce qui suit: «Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre»? Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU n’a-t-il pas mentionné que «les États sont en particulier liés par l’obligation de respecter le droit à la santé, notamment en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès de toutes les personnes, dont… les demandeurs d’asile et les immigrants en situation irrégulière, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs, en s’abstenant d’ériger en politique d’État l’application de mesures discriminatoires…»?

Comment le gouvernement conservateur peut négliger son obligation juridique de respecter un droit fondamental ici et continuer de se faire le chantre des droits humains sous d’autres cieux…?

Ce manque de volonté de s’acquitter de son obligation de respecter et de faire respecter la dignité humaine, cette intransigeance à vouloir imposer des mesures rétrogrades, auront non seulement de malheureuses conséquences sur les citoyens qui ont osé choisir le Canada comme terre d’asile, mais également sur tous les Canadiens. En effet ce sont tous les canadiens qui tôt ou tard verront grimper les coûts des soins de santé des provinces et qui devront défrayer les coûts de cette politique d’exclusion.

En attendant, on peut se demander ce qu’il adviendra des milliers de demandeurs d’asiles déboutés qui auront le malheur de tomber dans un coma diabétique, dans en état de choc anaphylactique ou dans un état de crise asthmatique…ce 30 juin 2012.

 Avis. Tout article ou commentaire publié par les internautes, les avocats ou toute autre personne dans les différentes sections du portail Jurizone.com est de la responsabilité de son propre auteur. Jurizone ne partage pas nécessairement les opinions exprimés. Également, le contenu du portail Jurizone est général et uniquement à titre informatif. Toute information pouvant toucher à une notion de droit ne doit pas être interprétée comme un conseil juridique. Veuillez vous référer à un avocat ou à un notaire pour toute information particulière. L’utilisation de ce site est soumise à des conditions qui peuvent être consultées en cliquant ici.

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here