Entrevue avec le député fédéral Pablo Rodriguez

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(Entrevue datant de 08-03-2007)

Le 14 février dernier, le parlement canadien a connu un fait rare en son genre. Un projet de loi (qui est maintenant en voie de devenir une loi) émanant d’un député passait dans un vote majoritaire en 3e lecture. Ayant toujours eu les causes sociales à cœur, le député fédéral Pablo Rodriguez n’entendait pas laisser le Protocole de Kyoto sombrer dans l’oubli. C’est ainsi qu’il avait décidé de présenter le projet de Loi C-288, qui vise à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto. Jurizone l’a rencontré pour en parler plus amplement.

 

Jurizone  : M. Rodriguez, parlez-nous un peu du projet de loi C-288.

Pablo Rodriguez: Le projet de loi C-288 force le gouvernement à respecter les engagements du Canada envers le protocole de Kyoto. Ainsi, il force le pays à respecter la loi internationale qu’il a ratifié. Le projet serait dorénavant une loi nationale que le gouvernement se doit de respecter.

Jurizone: Récemment, le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes en troisième lecture  par 161 votes contre 113. On parle ici de troisième lecture. Pouvez-vous nous expliquer brièvement toutes les étapes que doit généralement passer un tel projet de loi au niveau fédéral ?

Pablo Rodriguez: La première lecture, c’est lorsque le député introduit le projet de loi. C’est l’étape de la présentation à la Chambre des communes. En deuxième lecture, le projet de loi est soumis au débat entre les différents partis sur le fond. Suite à ce débat, il y a un vote pour savoir si on l’envoie en comité ou non. Si le vote est négatif, le projet de loi tombe et ça s’arrête là. Si le résultat du vote est en faveur de celui-ci, il est renvoyé au comité (Comité de l’environnement et du développement durable dans ce cas) pour y être étudié et un rapport est ensuite déposé à la Chambre des communes (3e lecture). À cette étape, il sera débattu à nouveau et s’il est approuvé par la majorité de la Chambre, il s’en va devant le Sénat. Ensuite, s’il est approuvé, il s’en va pour la sanction royale et devient alors une loi.

Jurizone  : Il reste donc actuellement au Sénat d’approuver le projet de loi ainsi que la sanction royale. Pensez-vous que le gouvernement respectera celui-ci lorsqu’il deviendra une loi officiellement ?

Pablo Rodriguez: C’est sûr! Il n’a pas le choix, les constitutionnalistes me l’ont confirmé. Le premier ministre n’a pas le pouvoir de décider quelle loi sera respectée et laquelle ne le sera pas. Évidemment, au début, il disait qu’il ne le respecterait pas. Mais, il ne pourrait ignorer la volonté de la majorité, sinon il contrevient au principe même de notre démocratie.

Jurizone: Quelles sont les possibilités qui s’offrent à vous advenant le non-respect de cette loi, le cas échéant, par le gouvernement ?

Pablo Rodriguez: On pourrait aller en Cour. Bien sûr, ça pourrait également faire tomber le gouvernement. Actuellement, il essaie de le faire bloquer au Sénat comme il a tenté de le faire à la Chambre des communes. Mais, je ne crois pas que cela va fonctionner. Il ne faut pas oublier qu’une fois approuvé, ce projet de loi contient un plan qui oblige le gouvernement à agir à court terme. Donc, il ne peut pas perdre de temps.

Jurizone: Du point de vue constitutionnel, quelles sont les limites d’un gouvernement dans le respect ou le non respect d’une loi votée par la majorité des membres du parlement ?

Pablo Rodriguez: C’est la loi du pays ! Il ne peut pas choisir d’appliquer la loi qui lui plait. Le législateur, c’est la Chambre des communes, pas un individu ou un groupe restreint d’individus. Nous ne tenons pas des élections qui coûtent des millions de dollars à la population pour le simple plaisir d’en tenir. Nous avons été élus de façon démocratique et lorsqu’un projet de loi est approuvé par la majorité des représentants de la population, ça devient une loi du pays. Ne pas la respecter serait anticonstitutionnel.

Jurizone: C’est la première fois depuis plusieurs années qu’un projet de loi émanant d’un député se rend aussi loin, qu’en pensez-vous ?

Pablo Rodriguez: Je suis très fier parce qu’il s’agit d’une grande cause avant tout. Une cause très importante pour la Chambre des communes et la population. Les trois partis d’opposition ont voté en sa faveur, le Parti libéral du Canada, le Bloc Québécois et le Nouveau parti démocratique. Mais, à certains moments, c’était presque David contre Goliath, je devais affronter un parti (Parti conservateur) qui faisait tout pour bloquer le projet de loi. Je suis très fier de ce projet de loi de lutte contre les changements climatiques. La cause est importante pour aujourd’hui et pour demain, pour un meilleur avenir pour nos enfants.

Jurizone: Dans quelle mesure pensez-vous que le respect du protocole de Kyoto peut être essentiel dans la protection de l’environnement ?

Pablo Rodriguez: C’est absolument essentiel ! Les Conservateurs disent à qui veut l’entendre qu’ils ont un plan national pour l’environnement. Mais, c’est plus que ça ! Le problème requiert une réponse globale. Il faut comprendre que le problème environnement n’est pas limité au Canada. Les gaz se mélangent dans l’environnement, il n’y a pas de cloison limitée aux frontières d’un pays. Il faut donc une solution globale et respecter les traités internationaux.

Jurizone: Pensez-vous qu’il existerait d’autres moyens que la législation devrait imposer afin d’arrêter la détérioration de l’environnement ou d’en améliorer la qualité ?

Pablo Rodriguez: Tout d’abord, le plan inscrit dans le projet de loi C-288 touche à plusieurs actions importantes : les réductions réglementées, tout comme les normes réglementées; l’affectation de fonds ou les incitatifs fiscaux prévus s’il s’agit du souhait du gouvernement; les mécanismes de marché tels que les échanges ou les compensations d’émissions; et si cela s’applique, la collaboration ou les accords avec les provinces, les territoires ou d’autres gouvernements. Mais, je crois que ce n’est pas uniquement de la responsabilité de l’État d’agir. En plus de notre devoir collectif, il faut agir à titre individuel. C’est notre devoir à tous en tant qu’individus de faire notre part. Chacun de nos gestes compte.

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