Dans les dernières semaines, nous avons consulté les visiteurs du portail Jurizone.com par le biais de la page Facebook “Jurizone” relativement à la ou les cause(s) de 2012 pouvant avoir marqué le Québec ou le monde, que ce soit pour l’importance de leur contenu ou pour leur caractère populaire, humanitaire ou même surprenant. Nous avons également tenu compte de plusieurs critères, notamment le traitement médiatique, la popularité de la partie concernée ou une phrase spécifique d’un(e) juge. Évidemment, les causes rapportées par les médias et les décisions importantes sont nombreuses, mais nous nous sommes limités à quelques-unes qui ont attiré notre attention pour les raisons que nous mentionnons pour chacune. Certaines causes ont été simplement entendues, d’autres ont vu leurs décisions rendues ou en attente d’appel. Maintenant que l’année 2012 est terminée, nous avons passé à travers de nombreuses causes que vous nous avez suggéré par Facebook et par courriel. Notre choix est fait, le voici !
NUMÉRO 1: Apple c. Samsung
Lieu : États-Unis
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour l’ampleur de la bataille judiciaire, la popularité des entreprises concernées, le montant des dommages et l’opinion de la juge Koh relativement à cette saga judiciaire : “Il est temps de faire la paix”.
Résumé:
L’année 2012 aura été l’année des batailles entre Apple et Samsung.
Après la première étape du procès, l’un des plus importants dans l’histoire des États-Unis, où Samsung a été déclaré en août 2012 coupable de violation de brevets et condamné à verser une somme de $1,049,343,540 (soit environ 1,5 milliards de dollars) en dédommagements au géant Apple, l’appel de la décision devait être tranché par la juge Lucy Koh en Californie.
Tout en invitant les parties à mettre un terme une fois pour toute sur cette saga qui, non seulement affecte les parties, mais également les clients et le secteur, elle fait part d’un point de vue qui a retenu notre attention le 6 décembre 2012 : «Je crois qu’il est temps de faire la paix mondiale», a déclaré la juge Lucy Koh tout en précisant que cela serait bien à la fois pour les clients et pour l’industrie.
La décision de la juge Koh reste à venir.
Rappelons que la compétition est féroce entre les deux parties: Samsung occupe le premier rang dans le monde sur le marché des téléphones intelligents et Apple est en première position mondiale pour les tablettes informatiques. Les deux groupes se livrent une bataille judiciaire de part et d’autre en violations de brevets devant de nombreux tribunaux à travers le monde.
NUMÉRO 2: Langevin, requérant
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi: Pour le caractère à la fois farfelu de la demande du requérant et le sérieux de la Cour dans le cadre de sa décision. Demander la propriété de l’Espace à la Cour, on ne voit pas cela à tous les jours !
Résumé: Sylvio Langevin est un simple citoyen de Ste-Euphémie au Québec (Canada), qui a agi seul et sans intimé à ses requêtes. Non seulement il a réclamé la propriété des planètes Terre, Mercure, Vénus, Jupiter, Saturne, Uranus et quatres lunes de Jupiter tout comme celle de Mars et de la Lune dans différents dossiers, il a demandé à la Cour un amendement pour ajouter des revendications relativement à Neptune et Pluton ainsi que l’espace entre les planètes !
La Cour supérieure du Québec, sous la plume de l’honorable juge Alain Michaud, n’a pas tardé à rendre son jugement déclarant M. Langevin «plaideur quérulent», ce qui l’empêche dorénavant de faire une demande en justice sans autorisation préalable. Bien que le jugement soit détaillé tout en reprenant les requêtes et certains des propos du requérant à l’audience, l’analyse s’est limitée à deux paragraphes avant que le juge Michaud rajoute dans le cadre de sa décision qu’ « il est bien sûr inacceptable que monsieur Langevin utilise le système de justice à mauvais escient en gaspillant de cette façon le temps et les énergies des divers intervenants judiciaires, alors que l’ensemble des justiciables a besoin du plein accès à ces précieuses ressources ». Évidemment, la requête à été rejetée.
NUMÉRO 3: Ifergan c. Société des loteries du Québec
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour le simple fait que ce n’est pas à tous les jours qu’un individu peut être à quelques secondes du gros lot !
Résumé: Le soir du 23 mai 2008 aurait pu changer la vie de Joel Ifergan. Après s’être présenté à un dépanneur, celui-ci demande deux billets de Super 7 avant la fermeture du terminal, soit à 20h59. Le deuxième billet automatique sortant indique la date du tirage suivant, soit celui du 30 mai 2008. Il décide tout de même de conserver le billet. Le hasard lui réserve une grande surprise: les numéros gagnants du 23 mai de la loto Super 7 sont ceux du…deuxième billet, soit celui daté du 30 mai !
Malgré tout, M. Ifergan est convaincu qu’il a droit à la somme de 13 500 000$, soit la moitié du gros lot puisqu’il existe un autre billet possédant la combinaison gagnante.
Plusieurs démarches sont entreprises et le système de Loto-Québec indique que le billet de M. Ifergan a été enregistré à la centrale à 21h00:07. Dans le cadre du dossier, le Tribunal a dû se prononcer sur plusieurs questions notamment sur la nature du contrat et l’intégrité du système informatique de Loto-Québec, pour finalement conclure que M. Ifergan n’avait pas droit au lot !
NUMÉRO 4: Lola c. Éric
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Parce que la bataille judiciaire pourrait affecter plus d’un million de personnes au Québec.
Résumé : Le 18 janvier 2012, la Cour Suprême a entendu la cause touchant les conjoints de faits au Québec. L’affaire concerne Lola (prénom fictif) qui réclame une pension alimentaire pour elle-même et un accès au patrimoine de son ex-conjoint Éric (prénom fictif). L’enjeu est de taille puisque Éric est un homme d’affaires milliardaire bien connu au Québec. Bien que plusieurs indices sont mis de l’avant par les médias, l’anonymat du couple est conservé. En bref, après que la Cour supérieure du Québec ait refusé la demande de Lola, la Cour d’appel du Québec lui donne en partie raison en 2012 : Elle pourra obtenir une pension alimentaire pour elle-même. Ainsi, l’article 585 du Code civil du Québec est jugé inconstitutionnel par la Cour d’appel. Quelques semaines plus tard, le gouvernement du Québec décide de porter la décision en appel devant le plus tribunal du pays, la Cour Suprême. La Cour suprême n’a toujours pas pris sa décision au moment de la publication de ce texte. Cette décision pourrait avoir un impact important sur le droit québécois puisque plus d’un million de conjoints de fait pourraient en être affectés ! À suivre…
NUMÉRO 5: Nelson c. Knight
Lieu: États-Unis
Pourquoi nous l’avons choisi: Il est surprenant de constater qu’une Cour approuve le renvoi d’une employée parce qu’elle est belle. En fait, elle représentait une menace à la vie de couple de l’employeur.
Résumé: Une employée renvoyée par son employeur parce qu’elle est attirante poursuit celui-ci pour discrimination en raison du sexe de la personne. La Cour donne raison à…l’employeur ! Être belle et renvoyée n’est pas illégal en Iowa, surtout quand il est question de jalousie et de menace à la survie d’un couple.
C’est ce qui découle de la décision de la Cour Suprême de l’Iowa aux États-Unis rendue le 21 décembre 2012, qui affirme qu’il est légitime de mettre fin à l’emploi d’une personne parce que son employeur la trouve irrésistible et qu’elle représente une menace au mariage de l’employeur.
Bref, est-il légalement acceptable de renvoyer une personne parce qu’elle est attirante et représentant une menace à une relation de couple ? La Cour Suprême de l’Iowa répond oui.
NUMÉRO 6: Parmalat Canada inc. c. Puremed Canada inc.
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour la phrase suivant tirée de la décision : “Aucun droit n’est absolu. Les droits s’accompagnent toujours d’obligations.”
Résumé: L’enjeu est de taille. Suite au refus du juge de première instance, Parmalat insiste sur son “droit de déposer une demande reconventionnelle, sans permission ni autorisation de qui que ce soit”. La Cour d’appel rejette la requête pour permission d’appeler. Non seulement la décision est importante relativement aux demandes reconventionnelle, mais les paragraphes 26 et suivants de la décision retiennent notre attention :
« [26] L’avocat de Parmalat soutient que le juge Auclair n’avait aucune discrétion puisque le droit de Parmalat de présenter une demande reconventionnelle, aux termes de l’article 172 C.p.c., est un droit absolu. Il a tord.
[27] Aucun droit n’est absolu.
[28] Les droits s’accompagnent toujours d’obligations, comme le prévoient spécifiquement et clairement, d’ailleurs, les articles 6 et 7 du Code civil du Québec et les articles 4.1 et 4.2 C.p.c. qui se lisent ainsi:
Code civil du Québec
6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
Code de procédure civile du Québec
4.1Les parties à une instance sont maîtres de leur dossier dans le respect des règles de procédure et des délais prévus au présent code et elles sont tenues de ne pas agir en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
Le tribunal veille au bon déroulement de l’instance et intervient pour en assurer la saine gestion.
4.2Dans toute instance, les parties doivent s’assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnés à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le juge doit faire de même à l’égard des actes de procédure qu’il autorise ou ordonne. (Nos soulignements)
»
NUMÉRO 7: Moore c. Colombie-Britannique (Éducation)
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour son caractère humanitaire.
Résumé : La Cour suprême donne raison à un élève: une école doit fournir des services d’aide suffisants.
Le 9 novembre dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision qui pourrait avoir un impact majeur dans le monde de l’éducation. En effet, elle a jugé discriminatoire le fait qu’une école n’ait pas pris les mesures nécessaires afin d’accomoder un élève atteint de dyslexie grave. La Cour suprême a ainsi ordonné à la commission scolaire de rembourser les parents de Jeffrey pour de nombreuses dépenses engendrées suite au manque de soutien. Et, les difficultés financières de la commission scolaires ne sont pas une excuses. D’ailleurs la commission scolaire en question a été blâmée en ce que ses compressions ont visé des programmes destinés aux élèves en difficulté plutôt qu’un programme de centre de plein air où les élèves apprenaient sur l’environnement et la collectivité. Jeffrey More est heureux. Celui qui est aujourd’hui âgé de 25 ans et devenu plombier est satisfait du jugement rendu en ce que tous les enfants atteints de troubles d’apprentissage pourront suivre leurs ambitions et avoir droit à leur plein potentiel.
NUMÉRO 8 : Bertico inc. c. Dunkin’ BrandsCanada Ltd.
Lieu : Québec, Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour les relations franchiseur-franchisés et l’impact de l’entrée de Tim Hortons au Québec sur Dunkin Donuts.
Résumé : Dunkin Donuts était partout au Québec. Forte de plus de 210 établissements dans la province dans les années 90, l’entreprise n’a pu faire face à la vague Tim Hortons. Le 21 juin 2012, la Cour Supérieur du Québec a dû trancher dans un litige opposant les franchisés Dunkin Donuts à leur franchiseur, allant jusqu’à qualifier l’arrivée de Tim Hortons dans la province comme un “phénomène”!
Ainsi, le tribunal a jugé que Dunkin Donuts n’a pas soutenu convenablement ses franchisés et n’a pas pris les moyens nécessaires afin de demeurer concurrentiel face à l’entrée de Tim Hortons. En ne soutenant pas sa marque de franchiseur, ce dernier contrevenait ainsi à ses conventions de franchise. Notons qu’au Québec, il n’existe pas de texte législatif au niveau du franchisage. Cependant, les franchiseurs doivent agir de bonne foi et avec loyauté à l’égard de leurs franchisés. Bien que Dunkin Donuts a pris quelques mesures, notamment en faisant affaires avec Couche-Tard pour le relancement de sa marque, cela s’est avéré être un échec à peine un an plus tard. Évidemment, tout le blâme ne peut être mis sur Dunkin Donuts, mais une clause de sa convention de franchise fut fatale en ce qu’elle stipulait qu’elle s’engageait à protéger sa marque et la demande face à ses produits. La Cour a décidé que les conventions de franchise sont résiliés tout comme les baux et a accordé des dommages-intérêts.
NUMÉRO 9: Obamacare, Loi sur l’assurance maladie
Lieu : États-Unis
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour le caractère humanitaire et l’importance de l’enjeu aux États-Unis.
Résumé: Obamacare: La loi sur l’assurance maladie approuvée aux États-Unis.
En 2010, la Loi sur l’assurance maladie de Barack Obama est adoptée par le Congrès des États-Unis. Quelques jours plus tard, plusieurs États et quelques organisations déposent une plainte pour contester la constitutionnalité de cette loi. Après une longue bataille judiciaire dans différents États, la Cour Suprême est saisie du dossier. Après avoir consacré plus de six heures d’audience sur trois jours, elle est validée par la plus haute instance judiciaire américaine le 28 juin 2012 avec quelques modifications.
NUMÉRO 10 : Apple c. Samsung
Lieu : Grande-Bretagne
Pourquoi nous l’avons choisi : Car il est toujours intéressant de voir les opinions personnelles des juges dans les décisions, surtout avec un terme comme «cool».
Résumé : Un juge britannique donne raison à Samsung tout en trouvant le iPad de Apple plus «cool» que la tablette informatique de Samsung.
C’est ainsi que le juge Colin Birss de la Haute cour de Londres a rendu une décision en juillet 2012 donnant raison à Samsung en ce que sa tablette Galaxy ne contrevenait pas au brevet de design déposé par Apple puisque…elle n’est pas aussi raffinée que la tablette du géant américain. Ainsi, la tablette Galaxy n’est pas “aussi cool” pour être confondue avec celle de Apple. C’est là l’opinion du juge.
NUMÉRO 11: Nestlé et les dossettes (ou capsules de cafés)
Lieu : Allemagne
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour la popularité que connaissent les machines à dosettes dans le marché en 2012.
Résumé : Tassimo, Nespresso, Keurig et compagnie ont pris d’assaut le marché en 2012. Gagnant en popularité dans un marché de plusieurs milliards de dollars, une des entreprises, Nestlé, a décidé de s’imposer, notamment pour préserver le monopole relativement aux dosettes compatibles avec ses propres machines. Cependant, le tribunal de grande instance de Düsseldorf en Allemagne a tranché en déclarant qu’il n’y a pas de violation de brevet relativement à des capsules de compétiteurs utilisées pour les machines de Nestlé puisqu’elle ne possèdent pas la particularité d’une invention. Nestlé a déjà lancé des procédures dans plusieurs pays afin de protéger ses capsules.
NUMÉRO 12: La Commission Charbonneau & Le conflit étudiant au Québec
Lieu : Canada
Pourquoi nous l’avons choisi : Pour l’impact que ces deux faits ont eu au Québec
Résumé: Suite à des allégations de corruption dans le domaine de la construction, une nouvelle commission voit le jour, la Commission Charbonneau. Elle doit faire la lumière sur la situation. Cela mène à la démission de maires de villes importantes au Québec. La Commission poursuit son travail en 2013.
Relativement au conflit étudiant, le boycott étudiant suite à la hausse des frais de scolarité par le
gouvernement du Québec a mené la province à adopter une loi et le système judiciaire à intervenir, notamment pour traiter plusieurs injonctions après que de nombreuses manifestations ont eu lieu à travers le Québec.
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