Par R. Caron (2007)
Vous avez remarqué à quel point les avocats sont intéressés par le monde politique ? Certains font le saut dans le jeu et d’autres restent autour du terrain. Qu’est-ce qui pousse autant de juristes, et comme on l’a vu récemment, de nombreux journalistes, à vouloir adopter un métier qui, avouons-le, n’est pas en tête de liste dans les domaines les plus aimés par la population ? Aimé ou pas, ce n’est pas là l’enjeu. Malheureusement, de nombreuses personnes ne connaissent pas la charge de travail d’un politicien, croyant qu’il s’agit d’une personne occupant un siège dans un parlement en particulier et répartissant l’argent collecté parmi les contribuables, point à la ligne. Si vous avez cette perception, une journée dans la peau d’un politicien s’imposerait peut être.
Tout d’abord, l’horaire. Le 9 à 5 en politique, oubliez ça! Si vous avez un petit déjeuner avec votre caucus ou encore avec un organisme dans votre comté, le réveil est déjà très matinal. Durant le jour, vous êtes en Chambre ou au bureau. L’heure du dîner ? Dans certains cas, vous la prenez avec un citoyen de votre comté ou un collègue de travail ou la paroisse du quartier. Si vous pensez réellement qu’à 17h, c’est l’heure de rentrer à la maison, détrompez-vous! L’Assemblée n’ayant parfois pas ajournée, votre débat peut se poursuivre jusqu’en pleine nuit (rarement). Et, si vos enfants vous attendaient à leur retour de l’école ? Vous pouvez toujours être chanceux si vous êtes invités à un souper spaghetti là où ils étudient ! Que dire si vous allez au souper de l’un et refusez le souper de l’autre ? Soyez sûr, l’organisme vous le fera savoir tout au long de votre mandat et ce, jusqu’à votre prochaine campagne électorale ! Disons que vous êtes à Ottawa ou à Québec pour la plus grande partie de votre semaine pour siéger. Parfois, aussi surprenant que cela puisse paraître, vous avez votre congé le…jeudi! Cela veut dire que allez dans votre comté (disons quelque part à Montréal par exemple) pour rencontrer vos concitoyens qui demandent à vous voir et vous devez retourner pour le vendredi et…ensuite, revenir pour la fin de semaine afin de voir vos proches et amis! Imaginez que parfois, en raison d’une invitation à un lancement, à une ouverture, à un brunch, à un souper, à un gala, vous faites Montréal-Québec ou Montréal-Ottawa plus de 3 fois par semaine (cela peut être une autre ville également). Pensez-y, feriez-vous le chemin aller-retour entre Montréal et Ottawa plusieurs fois par semaine ? Le chemin de Montréal vers Québec est toujours un peu plus « divertissant » en terme de présence de villes et de lumière que celui vers Ottawa. Les fins de semaine en prennent un coup également puisque parfois, le brunch d’une association prend le dessus sur le petit déjeuner en famille, à défaut de quoi, de nombreuses personnes en garderont rancune.
Il ne faut pas oublier que les députés ont des comptes à rendre à leurs électeurs afin de s’assurer une continuité. Sans oublier la file d’attente des gens qui demandent un soutien financier. Que peut supporter cette caisse lorsque parfois, comme on l’a vu ces dernières années, vous pouvez avoir plus de 3 élections en l’espace de 3 ans et que chaque campagne électorale vous coûte des dizaines de milliers de dollars et que les campagnes de financement du député s’en trouve totalement restreinte et encadrée par des lois de plus en plus sévères ? Que dire également de l’humeur de certains journaux qui ignorent souvent des communiqués de presse qui, parfois, contiennent des éléments essentiels pour la population, le député risquant ainsi de passer pour quelqu’un qui ne fait rien ?
Que dire également d’une vie privée qui prend le bord, où vos adversaires n’attendent que la moindre occasion pour établir votre arbre généalogique ? Que dire également de votre liberté d’expression et d’opinion lorsque vous devez obligatoirement vous soumettre à la ligne de votre parti sous peine de sanctions par celui-ci ? Que dire lorsque votre salaire en prend un coup à force de vouloir plaire à tout le monde en contribuant un peu ici et là ? Que dire lorsque l’ensemble de la population connaît vos allégeances politiques ? Finalement, que dire d’une profession qui n’offre aucune sécurité d’emploi où la base militante peut vous mettre à la porte aussi facilement qu’elle vous a permis d’y rentrer ou que les électeurs peuvent vous remercier du jour au lendemain lors d’une élection sans aucune raison simplement parce qu’il vous tienne coupable par association suite à un scandale ? Mais, que dire dans un monde où vos amis peuvent facilement devenir vos ennemis ?
Quoi qu’il en soit, il reste qu’il y a des exceptions dans tout cela.
Le jour où l’on reconnaîtra le dévouement de nos politiciens et qu’on leur accordera un peu plus d’attention, ils nous rendront probablement la pareille en embellissant un peu plus l’image de la politique. Bref, se lancer en politique nécessite beaucoup plus de courage, de patience et de sacrifices que certains ambitieux seraient tentés de le croire.