La fusion d’entreprise démystifiée

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Par Natalie Gauthier, Faculté de droit, Université d’Ottawa  (2006)

L’actualité économique est abondante en matière de fusion d’entreprise. Or, quelle est la réglementation qui encadre les fusions ? Quels sont les aspects qui seront étudiés ?

Encadrement

La Loi sur la concurrence, L.R.C., 1985, ch. C-34 (ci-après « la Loi ») encadre la réglementation générale du commerce en matière de complots, de pratiques commerciales et de fusionnements qui touchent à la concurrence. Selon la définition prévue à l’article 91 de la Loi, un fusionnement est « […] l’acquisition ou l’établissement, par une ou plusieurs personnes, directement ou indirectement, soit par achat ou location d’actions ou d’éléments d’actif, soit par fusion, association d’intérêts ou autrement, du contrôle sur la totalité ou quelque partie d’une entreprise d’un concurrent, d’un fournisseur, d’un client ou d’une autre personne, ou encore d’un intérêt relativement important dans la totalité ou quelque partie d’une telle entreprise. »

Mesure de protection

Comme le prévoit le paragraphe 92(1) de la Loi, le Tribunal de la concurrence (ci-après « le Tribunal » peut rendre une ordonnance lorsqu’il conclut qu’une fusion « empêche ou diminue sensiblement la concurrence ou aura vraisemblablement cet effet ». Un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence ne peut résulter que d’une fusion ayant vraisemblablement pour effet de créer, de maintenir ou d’augmenter la capacité de l’entité fusionnée d’exercer, unilatéralement ou en coordination avec d’autres, une plus grande puissance commerciale ou un plus grand pouvoir de marché.

Conséquences du fusionnement

Or, il n’est pas nécessaire qu’une infraction ait été commise par le fusionnement. Seules les conséquences du fusionnement sont retenues comme étant pertinentes et étudiées. En effet, l’arrêt Air Canada c. Canada (Directeur des enquêtes et des recherches), (1993) C.P.R. (3d) 131 (Trib. conc.), confirmé par la Cour d’appel fédérale (1993) 51 C.P.R. (3d) 131 à 142, « Au moment de prononcer une ordonnance, l’objectif principal du Tribunal doit être la protection de l’intérêt du public face à la concurrence et non la préservation d’intérêts contractuels privés. » Si le fusionnement n’a pas eu lieu, l’ordonnance visera à empêcher la diminution substantielle de la concurrence ; si elle a déjà eu lieu, l’ordonnance visera à rétablir un niveau de concurrence sain.

Facteurs analysés

De façon générale, les principaux facteurs retenus dans l’évaluation des effets d’une fusion sur la concurrence sont le prix et la production. Le Bureau de la concurrence évalue également les effets d’une fusion sur d’autres aspects de la concurrence tels que la qualité, le choix des produits, le service, l’innovation et la publicité, en particulier sur les marchés où la concurrence s’exerce principalement par des moyens autres que par les prix.

Marché pertinent et dimension géographique

La première étape de l’examen d’une fusion par le Bureau consiste habituellement à définir le ou les marchés pertinents sur lesquels les parties à la fusion exercent leurs activités afin d’identifier un groupe d’acheteurs qui peuvent éventuellement avoir à faire face à une augmentation du pouvoir de marché à cause de la fusion. Le marché pertinent est défini en fonction de deux aspects : la dimension du produit et la dimension géographique.

Aux fins de la définition du marché du produit, ce n’est pas tant l’identité des vendeurs qui importe, mais les caractéristiques des produits et la capacité ou la volonté des acheteurs de se tourner vers un autre produit pour une part suffisante de leurs achats en conséquence de modifications des prix relatifs. Aussi, afin de définir l’étendue géographique du marché, ce n’est pas tant l’identité des vendeurs qui importe, mais la capacité ou la volonté des acheteurs de s’approvisionner dans un autre endroit pour une part suffisante de leurs achats, par suite d’une variation des prix relatifs. Le marché géographique pertinent est celui qui réunit tous les points d’approvisionnement qui sont perçus comme de proches substituts par les acheteurs.

La localisation géographique des acheteurs et des vendeurs est pertinente à la définition des limites d’un marché, en particulier lorsqu’il s’agit d’un marché local ou régional. Il est supposé qu’une entreprise cherchant à maximiser ses profits choisit une localité en fonction de la densité des acheteurs et de manière à éviter la cannibalisation potentielle des ventes qui peut se produire si elle choisit un emplacement situé à proximité des emplacements de ses autres établissements. Ainsi, la réaction de la demande est encore un élément clé pour déterminer les limites d’un marché. L’analyse de la concurrence au niveau spatial peut aider à préciser les limites de marchés géographiques localisés.

En conclusion, il faut retenir que toute fusion n’est pas nécessaire anti-concurrentielle. Lorsqu’une fusion n’a vraisemblablement pas d’effets négatifs sur le pouvoir de marché, on ne peut généralement pas conclure que la fusion aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, même si la fusion peut soulever des questions relatives à d’autres objectifs de politique industrielle qui dépasse le cadre de la Loi. Aussi, le commissaire ne contestera généralement pas un fusionnement au motif que les parties au fusionnement seront en mesure d’exercer unilatéralement un plus grand pouvoir de marché qu’en l’absence de fusionnement, lorsque la part de marché de l’entité fusionnée est inférieure à 35% après le fusionnement.

Note de l’auteur: L’information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

Tous droits réservés, La pub et le droit © Natalie Gauthier, 2006

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