L’arrêt Jordan: La décision ayant marqué 2016 !

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Notre choix est fait: L’arrêt Jordan est la décision ayant marqué 2016 !

Non seulement cette décision de la Cour suprême vient écrire une nouvelle page d’histoire dans le monde judiciaire avec un plafond pour les délais, mais son impact vient mettre une pression sur la façon dont fonctionne le système de justice afin d’accélérer le traitement des dossiers. Une petite révolution dans le domaine ?

On ne peut pas être juriste ayant vécu en 2016 et ne pas avoir entendu parler de l’arrêt Jordan. Cette décision peut être vue comme une révolution dans le domaine du droit pénal et criminel et une porte de réflexion dans les autres branches de droit en matière judiciaire.

Tout d’abord, la Charte des droits et libertés, à son article 11b), précise le droit à tout inculpé d’être jugé dans un délai raisonnable.

Jusqu’à tout récemment, c’est un arrêt de la Cour suprême datant de 1992, R. c. Morin, qui servait de cadre pour traiter de la notion de délai raisonnable, qui n’était d’ailleurs pas fixée, mais laissait place à beaucoup d’interprétations. Le 8 juillet 2016, la Cour suprême a décidé de réécrire l’histoire du monde judiciaire. C’est dorénavant l’arrêt R. c. Jordan qui encadre la notion de délai raisonnable.

Avant Jordan

Les facteurs déterminants d’une violation de l’article 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés reposant sur la défense étaient plutôt complexes à établir et portaient à beaucoup d’interprétations puisqu’aucun plafond n’avait été fixé quant aux délais.

4 facteurs devaient être pris en compte dans le test de l’arrêt Morin:

  • Longueur du délai.
  • Renonciation de la défense à invoquer une portion du délai.
  • Motifs expliquant le délai.
  • Atteinte aux droits à la liberté, à la sécurité et à un procès équitable pour l’accusé.

Depuis Jordan

La Cour suprême du Canada fixe maintenant un plafond dans les délais comme suit :

  • Pour une Cour provinciale, un plafond de 18 mois entre le début et la fin d’un procès.
  • Pour une Cour supérieure ou une Cour provinciale à l’issue d’une enquête préliminaire: un délai de 30 mois.

Un délai supérieur pourrait être jugé déraisonnable et provoquer le rejet des accusations.

Alors que par le passé le fardeau reposait sur les épaules de la défense, maintenant, c’est à la poursuite de renverser la présomption.

Pour ce faire, elle doit mettre en preuve la présence de circonstances exceptionnelles justifiées par des délais imprévus ou inévitables ou des affaires complexes. La Cour décrit ces circonstances comme suit : “Circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est-à-dire 1) qu’elles sont raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables et 2) qu’on ne peut raisonnablement y remédier.”

De l’avis de la Cour, une “circonstance exceptionnelle est le seul fondement permettant au ministère public de s’acquitter du fardeau qui lui incombera de justifier un délai qui excède le plafond établi. Ni la gravité de l’infraction ni les délais institutionnels chroniques ne peuvent servir à justifier le délai.”

De plus, les parties dans des affaires déjà en cours doivent se soumettre à des mesures transitoires d’exception, ce qui a un impact certain sur une série de causes actuelles.

Histoire de l’arrêt Jordan en bref

En décembre 2008, Barrett Richard Jordan a été inculpé d’avoir été impliqué dans une affaire de vente de drogue en Colombie-Britannique. Le dossier s’est conclu seulement en février 2013, soit presque 5 ans plus tard. Les avocats de l’accusé ont porté la cause en appel, argumentant que ce délai, plus spécifiquement de 49 mois, était déraisonnable, le tout par le biais d’une requête basée sur l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Rappelons l’article 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés qui se lit comme suit : « Tout inculpé a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ».

C’est ainsi que le 8 juillet 2016, à 5 juges contre 4, la plus haute instance judiciaire du Canada a invalidé les accusations portées contre Jordan.

Quelques éléments d’impact de la décision

  • Réduction des délais judiciaires.
  • Faciliter l’accès à la justice en terme de traitement des dossiers devant les tribunaux.
  • Gestion plus pointue des demandes de remise.
  • Choix de la preuve plus minutieux.
  • Révision de la gestion des dossiers et des stratégies.
  • Avis plus serrés des juges sur les délais et les procédures.
  • Influence sur le nombre de juges et l’accès à la Justice.
  • Impact sur l’état de plusieurs dossiers en cours devant les tribunaux.
  • Pressions sur le système de justice.
  • Mise en place de ressources additionnelles.

Dans Madore c. R. (décision en Cour d’appel du 15 septembre 2016), on peut voir en bref le but de cet arrêt aux paragraphes 4 et 5:

[4]  En outre, vu le cadre tracé par les juges majoritaires de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Jordan, on ne peut plus douter que le ministère public, mais aussi la défense et les cours de justice elles-mêmes ont l’obligation de faire le nécessaire pour qu’un accusé soit jugé rapidement, les diverses étapes conduisant au procès et à la conclusion de celui-ci devant être menées avec diligence, et ce, au bénéfice de tous les intéressés, incluant la société.

[5]  Parlant des cours de justice, qui assurent la protection des droits constitutionnels des accusés, il faut rappeler également les commentaires des juges Moldaver, Karakatsanis et Brown, lorsqu’ils écrivent que « [l]es délais institutionnels chroniques ne peuvent non plus servir de fondement au dépassement du plafond » et qu’il faut par ailleurs inciter les parties « à accélérer le déroulement de l’instance ».

Depuis l’arrêt Jordan, des centaines de requêtes ont été présentées en arrêt des procédures au Québec, dont plusieurs très médiatisées. La Cour suprême a ainsi redéfinit le monde judiciaire du Canada tel que connu depuis les 25 dernières années.

Un impact certain en matière de droit criminel. L’arrêt Jordan influencera-t-il également le droit civil ?

Quelques décisions récentes inspirées de R. c. Jordan

R. c. Williamson 2016 CSC 28  (Décision de la Cour suprême dans laquelle elle donne l’exemple le jour même de l’arrêt Jordan)

Madore c. R. 2016 QCCA 1469 

Charlebois c. R. 2016 QCCS 3905 

Rice c. R. 2016 QCCS 4659 

Cazzetta c. R. 2016 QCCS 4660 

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(c) Jurizone, 2017

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