Devrait-on éliminer la pension alimentaire pour les ex-conjoints ayant commis l’adultère?

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Par Marilyn Dalmau et Alyssa El-Hachem  (2006)

Il fut jugé en 1962 que la seule cause possible pour le divorce était l’adultère. Comme tout autre acte juridique, le mariage impose des devoirs tout en procurant des droits aux époux. En effet, comme le précise l’article 392 alinéa 2 du Code civil du Québec, les époux « se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance » . En cas de divorce, l’époux le plus nanti a le devoir de procurer une pension alimentaire à son conjoint si ce dernier est dans le besoin. Cette pension alimentaire pour ex-conjoint est aussi imposée dans les cas où l’époux dans le besoin a commis l’adultère. La question qui nous intéresse est à savoir si l’on devrait imposer à l’époux trompé de fournir une pension alimentaire à son époux infidèle?

Dans les premières années où le divorce fut possible, la pension alimentaire pour ex-conjoint servait à assurer aux femmes une sécurité afin de ne pas se retrouver sans ressources si elles choisissaient de quitter leurs maris. De nos jours, la pension alimentaire pour ex-conjoint est un moyen de soutien, généralement temporaire, accordé à l’époux le plus vulnérable pour lui permettre de subvenir à ses besoins après le divorce et ce, jusqu’à ce qu’il soit financièrement capable de se débrouiller seul. Plusieurs autres raisons expliquent pourquoi la pension alimentaire est encore imposée de nos jours même dans les cas où l’époux réclamant cette pension a été infidèle.

En effet, accorder une pension alimentaire à l’ex-époux peu importe les circonstances du divorce permet d’alléger le fardeau du gouvernement face aux citoyens. Le conjoint se retrouvant sans ressources après le divorce se verrait forcé de se tourner vers le gouvernement pour lui demander de l’aide. Cependant, en obligeant le conjoint à payer une pension alimentaire, et ce, même dans les cas où il s’est fait tromper, le gouvernement se verra libéré d’une obligation d’aide envers l’époux démuni pour une somme que son conjoint peut s’acquitter. Ceci va dans le sens du principe en droit de la famille selon lequel le gouvernement ne devrait pas avoir à débourser des sommes que la famille de la personne dans le besoin est apte à payer. Les personnes qui intentent des procédures de divorce restent tout de même obligées face à leur conjoint sur certains points, et ce, en tant que famille, puisqu’ils ont fait vie commune pendant un certain temps, d’où la légitimité de demander à un conjoint de payer une pension alimentaire à l’autre.

Ensuite, l’obligation de payer une pension alimentaire dès qu’un ex-époux est dans le besoin et ce, sans considérer l’adultère, permet d’accélérer le processus judiciaire. En effet, s’il y avait une exemption de payer la pension alimentaire à un époux ayant été infidèle, ceci impliquerait qu’il faudrait prouver cet adultère étant donné qu’il serait très facile pour un des époux de l’invoquer pour être relevé de l’obligation de payer une pension. De plus, on peut imaginer qu’il serait peu probable qu’un ex-conjoint dans le besoin admette son infidélité sachant qu’il risque de perdre sa pension alimentaire s’il en ferait ainsi. C’est pourquoi, le procès du divorce serait alors grandement allongé s’il fallait en plus prouver l’infidélité et ainsi décider si les preuves et témoignages présentés lors du procès sont crédibles et véridiques, on a donc trouvé préférable d’accorder une pension alimentaire dès qu’un ex-conjoint était dans le besoin sans considérer s’il y avait eu ou non adultère.

Finalement, à la suite de ces observations, nous ne pouvons que constater que les raisons pour lesquelles la pension alimentaire est accordée aux époux moins fortunés sont légitimes. Cependant, la situation reste tout de même très frustrante pour l’époux qui a non seulement été victime d’infidélité, raison du divorce, mais qui doit en plus subvenir aux besoins de son ex-conjoint. C’est pourquoi, même si la pension alimentaire est en quelque sorte un droit acquis pour un époux qui démontre la nécessité de cette aide financière dans sa vie, elle peut paraître très injuste pour celui qui doit la fournir surtout si la cause du divorce n’est pas en lien avec un comportement répréhensible de sa part. Alors, même si l’on suit les causes du paiement de la pension alimentaire énoncé ci-dessus avec un esprit raisonnable, il serait tout de même plus juste envers l’époux victime de trouver une autre solution afin de régler la situation.

Sources :  http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/generale/sep-div.htm#divorce http://archives.radio-canada.ca/IDC-0-10-894-5425/vie_societe/divorce/clip1

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