Depuis sa jeunesse, elle a toujours aimé le dessin pour s’évader de son quotidien. Partie par la suite d’un simple tableau représentant un personnage en toge à un moment ayant été acquis par un avocat, elle a aujourd’hui à son actif des oeuvres qui ont été exposées dans de nombreux palais de justice dans le monde, notamment au grand palais de justice de Bruxelles, le palais de justice de La Haye, la Cour Supérieure de justice de Luxembourg, le palais des Princes-évèques (siège du palais de justice) de Liège, le nouveau palais de justice d’Anvers, le palais de justice de Breda, celui de Middelburg et, de Maastricht, le palais de justice de Cologne tout comme celui d’Amsterdam. Le tout avait commencé lorsqu’un jour, l’artiste qui se nomme « Cassou » avait peint le tableau d’un personnage en toge ayant été acquis par un avocat qui l’invita à exposer au palais de justice de Charleroi. Après avoir vendu un deuxième tableau à une avocate, c’est là qu’elle se lança dans ce qui deviendra une ouverture sur le monde des palais de justice. Aujourd’hui, sa clientèle se compose surtout d’avocats et de magistrats. Elle avait également peint le président du Conseil européen, ce qui lui a valu un message de compliments après que ce dernier en eut pris connaissance. Le portrait de Charles Aznavour fut également dépisté et posté sur le site de ce dernier. Jurizone s’est intéressé de plus près à savoir qui est cette artiste. C’est avec plaisir qu’elle a répondu à nos questions.
Jurizone : Cassou, parlez-nous de vos oeuvres ?
Cassou : La plupart du temps, les premiers éléments de chaque tableau surgissent devant mes yeux étonnés. Au fur et à mesure de l’avancement du travail, il m’arrive de comprendre peu à peu ce que je suis en train de peindre et pourquoi. Inutile de dire que je ne procède pas selon un plan préétabli. Non. Je me laisse surprendre par ce qui apparaît sous mes pinceaux et comme peu à peu je reconnais ce que je peins, j’accentue la ressemblance de ce que je vois avec ce que je pense reconnaître. Par exemple, mon Charles Aznavour en juge était un personnage qui ressemblait fort à Charles Aznavour. L’intention consciente de peindre le grand artiste n’y était pas au départ. Voyant ce personnage, je n’ai pas pu m’empêcher d’accentuer la ressemblance.
Il y a beaucoup de dinosaures dans cette série judiciaire (ndlr : série judiciaire de Cassou). Un juge voyant ces tableaux a pensé que chez moi l’intention de présenter une image sinistre et inquiétante de la justice était évidente. Si ce monsieur avait raison, je n’aurais jamais osé montrer mes tableaux à tant de juges et d’avocats! À vrai dire, ces dinosaures sont venus spontanément prendre place dans mes tableaux. Ils y sont entrés par effraction, sans solliciter la moindre invitation de ma part. Ensuite, il m’a fallu à moi-même justifier leur présence. Que venaient-ils donc bien faire là?
J’ai fait alors ce que Jean Cocteau propose : »Puisque ces phénomènes nous dépassent, feignons d’en être les instigateurs ». Il devait bien y avoir une raison. Réflichissant davantage, j’ai compris que les dinosaures étaient présents dans mon environnement. Ils sont l’incarnation symbolique d’une force brute, immuable, immature, irréformable. Le caractère obsolète de la langue judiciaire n’est qu’une part de ce que les dinosaures caricaturent.
Ce qui me fait souffrir fournit en partie le matériau de base de ma peinture. Tout se passe sans préméditation, comme si la peinture pour moi était une joyeuse façon de me débarrasser de cette souffrance.
Jurizone : D’où puisez-vous votre inspiration pour chacune de vos peintures ?
Cassou : Un artiste vit sa sensibilité davantage qu’il est à même de la décrire, de l’expliquer. Y a-t-il quelqu’un sur terre qui sache d’où il puise son inspiration, en dehors des imitateurs, des plagieurs et des imposteurs? L’inspiration est un mystère. Jean Cocteau disait qu’il vaudrait mieux parler d’expiration que d’inspiration! Pour essayer tout de même de comprendre, tenons compte que chacun naît avec sa personnalité, ses défauts et ses talents, à une certaine époque, dans un certain environnement. Chacun fait des expériences, reçoit une éducation, des stimuli de tous ordres. À l’âge adulte ou même avant cela pour certains, nous exprimons, nos talents et notre personnalité aidant, ce que nous-mêmes, ce que les autres, ce que les événements de notre vie et ceux des autres et du monde ont fait de nous. L’inspiration est puissante quand le désir répond à une nécessité intérieure.
Jurizone : Cassou, parlez-nous un peu plus de vous.
Cassou : L’existence quotidienne, pratique, ordinaire m’est tôt apparue comme source de malaise. Et ce dans un mélange de sentiments d’ennui et d’incompétence. Dès mon enfance, je me suis échappée sans peine ni regret de ce monde qui m’ennuyait et m’effrayait, me construisant un monde à moi. Par exemple, je me souviens que petite, j’ai imaginé une langue dont j’étais la seule à connaître la grammaire. Cela s’appelait : «le crobe ». A la même époque, les fables de La Fontaine et les contes de Perrault m’émerveillaient. La vue des poussins et des canards dans la cour de la maison familiale, les histoires de renards et de loups ont nourri mon imagination. J’entrevoyais une grande proximité entre l’humanité et le monde animal. Pour autant que je me souvienne, il me semble avoir toujours dessiné.
Très tôt, je me suis essayée au portrait et à la caricature (membres de ma famille, figures politiques). Les voyages de l’adolescence ont sans doute été des occasions marquantes, significatives d’explorer la diversité. Je me suis retrouvée à faire des études de philologie classique et d’égyptologie, peut-être parce que ces études-là étaient les plus éloignées du quotidien? Il y a bien maintenant un quart de siècle que mes tableaux sont montrés au public.D’abord dans des galeries et musées et, depuis 2006, plus principalement dans les palais de justice.
Jurizone : À travers votre travail artistique, vous êtes identifiée comme une artiste peintre judiciaire, d’où vous est venue l’idée de vous concentrer sur le domaine judiciaire ?
Cassou : Par parenthèses, à côté de la série judiciaire, je crée aussi une série hellénique, et une autre intitulée « les labyrinthes ». Des personnages ont toujours été présents dans mes tableaux. Il se trouve qu’un jour, mes personnages avaient revêtu la toge des avocats. Le tableau exposé a plu à un avocat qui en a fait l’acquisition. Celui-ci m’a invitée à exposer dans un palais de justice (Charleroi). A noter qu’à ce moment, je n’avais encore peint que deux tableaux à thématique juridique. Et quel hasard, une avocate a bientôt fait l’acquisition du second tableau. Là, j’ai compris que les avocats avaient beaucoup d’humour et qu’éventuellement, je pourrais leur faire plaisir en leur offrant par ma peinture une sorte de miroir! C’est ainsi qu’est née la série judiciaire.
Jurizone : Est-ce là une passion ou un travail à temps plein?
Cassou : Je vis sous l’occupation de cette passion à temps plein.
Jurizone : Vous êtes derrière la Série judiciaire de Cassou, en quoi consiste cette série ?
Cassou : Voilà une excellente question.Il y a les tableaux qui me viennent sans préméditation et qui mettent en scène des personnages anonymes ou fictifs, revêtus de la toge des avocats ou des juges. Ensuite, il y a peut-être un tableau possible chaque fois que j’imagine quelqu’un dans un rôle d’avocat, de juge ou de client d’avocat. Cela a été le cas, par exemple, avec Zülfü Livaneli, grand artiste turc aux multiples talents, écrivain, musicien, réalisateur…La figure d’avocat de la paix s’impose par sa présence, puisqu’il oeuvre à la réconciliation de tous les peuples qui composent la Turquie, son pays et toute cette vaste région du monde, par le biais de ses concerts, de ses écrits et dans le cadre de sa nomination d’ambassadeur de bonne volonté à l’Unesco.
Jurizone : Qui sont les personnalités qui vous ont commandé des oeuvres ou des portraits-caricatures ?
Cassou : Il y a des avocats connus et des magistrats. Pour ce qui est des personnalités connues n’appartenant pas au monde judiciaire, quelques-uns ont réagi en prenant connaissance de l’existence de leur portrait-caricature par Cassou. Par exemple, Monsieur Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, m’a fait envoyer un message de compliments. La personne qui gère le site officiel de Charles Aznavour a posté le portrait sur son site, sans mon intervention. Il en est de même pour Zülfü Livaneli, le Georges Brassens des Turcs, dont j’ai parlé ci-dessus. Le portrait que j’ai fait de lui, en avocat de la Paix, est encore visible (voir 27 mars 2013) sur son site officiel. J’ai eu la chance de le rencontrer à Londres.
Jurizone : Vous exposez vos oeuvres dans différents Palais de justice à travers le monde, pouvez-vous nous en nommer quelques-uns ?
Cassou : Le grand palais de justice de Bruxelles, la Cour Supérieure de justice de Luxembourg, le palais des Princes-évèques ( siège du palais de justice) de Liège, le nouveau palais de justice d’Anvers, le palais de justice de Breda, celui de Middelburg, celui de Maastricht, le palais de justice de La Haye, le palais de justice d’Amsterdam, le palais de justice (Landgericht) de Cologne sont mes plus récents lieux d’exposition.
Jurizone : Lequel vous a semblé le plus impressionnant ?
Cassou : D’un point de vue architectural, le palais de justice d’Anvers est le plus intéressant. Il est l’oeuvre du fameux architecte anglais Richard Rogers. Pour moi, il est à l’image de la Flandre car il est à la fois maritime et aérien. Il est aussi très terrestre, par la présence de bois sur l’escalier monumental qui y mène et aussi dans la salle centrale. Ses ailes de papillon sont d’une audace folle. A lui seul, il vaut le déplacement dans la ville de Rubens! Si vous me demandez quel est le palais le plus impressionnant au sens de faire impression, de faire peur, je vous réponds le palais de justice de Bruxelles, qui est d’ailleurs le plus grand palais de justice au monde.
Jurizone : Qui sont vos partenaires dans le cadre de vos expositions de la Série judiciaire de Cassou ?
Cassou : Je m’adresse aux autorités judiciaires de chaque palais de justice. Parfois celles-ci délèguent leur pouvoir à une commission culturelle, comme c’est le cas aux Pays-Bas.
Jurizone : Comptez-vous exposer vos oeuvres prochainement au Québec ?
Cassou : Ce serait bien sûr avec grand plaisir.Il y aura bientôt quinze ans que j’ai présenté une exposition solo au Québec. Je renouvellerais l’expérience très volontier. Si quelqu’un qui nous lit veut bien m’adresser une proposition dans ce sens…je l’en remercie à l’avance!
Cassou nous laisse sur ses quelques mots :
Cassou : J’insiste pour souligner à quel point j’apprécie que vous m’accueilliez sur votre site pour parler de mon parcours d’artiste-plasticienne. Grande distinction! Mes tableaux présentés en ligne sont visibles principalement sur www.legavox.fr/blog/cassou/
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