Entrevue avec Me Ayman Daher, cofondateur et associé de la firme Bretton Woods Avocats.

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MeAymanDaherIl est l’un des fondateurs et associé d’un cabinet international unique en son genre, pratiquant en droit international en se concentrant sur le droit commercial et sur l’éthique, la conformité et les enquêtes. Ayant fondé Bretton Woods avec des avocats à Montréal et des barristers britanniques à Londres, le cabinet oeuvre non seulement au Canada, mais l’équipe de Londres dirige une équipe d’avocats établis au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Australie. Son cheminement est impressionant. C’est après avoir développé ses compétences au sein d’équipes chevronnées des cabinets BCF et Davis, passant ensuite par la multinationale SNC-Lavalin, qu’il se lance dans l’aventure de Bretton Woods Avocats. Dans cette entrevue exclusive accordée à Jurizone, Me Ayman Daher parle des systèmes juridiques internationaux et de l’éthique d’affaires, de l’intégrité des organisations, de l’avenir du droit et de la rémunération des avocats en passant même par le concept des exclusivités territoriales des barreaux qu’il considère comme dépassé dans une époque où les dossiers n’ont plus de frontières géographiques et dans une ère où les avocats doivent de plus en plus travailler de façon multi-juridictionnelles à l’échelle internationale. 

 

Jurizone: Me Daher, vous êtes associé au sein du cabinet BrettonWoods Avocats Canada. Parlez-nous un peu de cette firme et des services qu’elle offre au pays.

Me Ayman Daher : J’ai fondé Bretton Woods Avocats avec trois autres associés, Alan Sarhan qui je côtoie à tous les jours à Montréal, ainsi que Lee Marler et Neil Macaulay, deux barristers britanniques qui pratiquent principalement de Londres au Royaume-Uni. Notre bureau est porté principalement sur le droit international et nous œuvrons majoritairement dans deux secteurs d’activités, le premier en éthique, conformité et enquêtes et le second en droit commercial.

En éthique, conformité et enquêtes, notre clientèle est composée de multinationales et organisations internationales qui recherchent des services spécialisés de prévention, détection et correction en matière d’éthique corporative et de programmes d’anti-corruption. En droit commercial, nous avons une clientèle composée principalement de PME du milieu des affaires du Québec que nous assistons dans tous les cycles de leur développement.

Quant à Bretton Woods Law à l’internationale, Lee Marler et Neil Macaulay dirigent une équipe d’une douzaine d’avocats établis au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Australie. Ils se concentrent exclusivement sur certains domaines de droit international public tels les enquêtes des banques de financement (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, etc.) ainsi que le droit des résidents internationaux qui travaillent dans les organisations sous immunité, par exemple les employés de l’ONU, l’OACI, l’OMS, etc.

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Jurizone: Revenons un peu en arrière. Au début de votre carrière, vous avez pratiqué le droit au sein de grandes firmes d’avocats avant de vous joindre à la firme SNC-Lavalin pour ensuite embarquer dans l’aventure de Bretton Woods. Comment ce cheminement vous a été utile ?

Me Ayman Daher : Plus j’acquiert de l’expérience, plus je me rends compte que chaque élément des dix ou quinze dernières années a été, d’une façon ou d’une autre, utile et nécessaire dans la construction de ma pratique. Chaque personne amasse des aptitudes qu’on ajoute à notre boîte à outils. Par exemple, je trouve important d’avoir eu une bonne base de droit civil et de litige avant de faire des dossiers transnationaux plus complexes. Mes instincts d’avocat ont été travaillés dans ces premières années travaillant auprès d’avocats chevronnés.

Jurizone: Parlant de dossiers transnationaux, vous avez d’ailleurs eu à travailler sur des enjeux légaux dans plus de trente pays répartis sur cinq continents! Quelles différences et similarités avez-vous pu constater au niveau des systèmes juridiques et judiciaires d’un endroit à l’autre ?

Me Ayman Daher : Si on va dans les détails de chaque juridiction, les différences sont énormes. Par exemple, en litige aux États-Unis, chaque élément de preuve qui doit être présenté en cour doit avoir été communiqué à la partie adverse et enquêté pendant des mois à l’avance alors que dans certains pays européens, les parties se font donner une date de procès et tout est dévoilé pour la première fois à l’audience. Dans certaines juridictions, le privilège est vu comme sacré alors que dans certains pays, ce concept est quasi-inexistant.

Mais, lorsqu’on regarde les systèmes juridiques de façon plus holistiques, on se rend compte qu’ils sont tous essentiellement un outil de gestion des risques et division du pouvoir et servent de façon variés les intérêts des acteurs nationaux. Les entreprises qui naviguent dans un système puis un autre doivent être conscientes des différents risques et des solutions qui existent.

Jurizone: Quels sont les types de dossiers sur lesquels vous avez travaillé et que vous jugez comme ayant été déterminants dans votre vie pour les années à venir, que ce soit, en terme d’expérience, d’apprentissage, de réflexion ou autre ?

Me Ayman Daher : Naturellement, je ne peux passer sous silence les années passés chez SNC-Lavalin. J’ai joint l’entreprise pendant qu’elle était aux prises avec des dossiers fascinants avec des enjeux monumentaux et je crois avoir agrandi mes horizons juridiques de façon remarquable en travaillant avec une équipe interne de première classe et des dizaines d’avocats externes de tous les coins du monde.

Jurizone: Votre cabinet est le seul au Canada qui se spécialise en droit des affaires et intégrité en affaires. De quelles façons accompagnez vous les gens d’affaires ou les organisations intéressés par vos services ?

Me Ayman Daher : Nous travaillons auprès d’entreprises publiques canadiennes mais aussi au Royaume-Uni, au Japon, au Pakistan, etc. Souvent, ces entreprises sont prises avec des enquêtes internes ou externes (police, autorités gouvernementales, bureau de la compétition, banques, etc.) qui peuvent porter atteinte à la survie même des compagnies. Dans ces cas, il est essentiel d’avoir recours aux services d’experts dans le domaine et nous avons l’expérience pour aider nos clients dans la gestion de ces crises.

Il devient nécessaire de prendre les dossiers en deux étapes. Premièrement, assurer la défense des intérêts du client pour contenir les risques à court terme, puis, dans un deuxième temps, nous aidons l’entreprise à développer, mettre en place ou améliorer leurs programmes d’éthique et conformité et leurs mécanismes de gouvernance corporative pour éviter une deuxième crise.

Jurizone: L’intégrité est primordiale, que ce soit au niveau personnel ou professionnel. Quels conseils vous donnez aux entreprises ou organisations pour qu’elles s’assurent que celle-ci soit préservée et demeure imperméable ?

Me Ayman Daher : L’intégrité au niveau individuel est une chose, mais nous travaillons sur l’intégrité au niveau de l’organisation. Dans cette perspective, l’intégrité se développe à travers le zeitgeist de l’entreprise, à travers son leadership, dans les communications internes, dans la présence de politiques claires de dissuasions des agissements inacceptables et de promotion des agissements louables. Mais aussi dans l’existence d’équipes internes qui enquêtent et sanctionnent l’inconduite, dans les mécanismes de contrôles financiers et comptables, etc.

L’intégrité dans une organisation c’est une multitude de systèmes qui s’imbriquent et agissent conjointement comme le système immunitaire dans le corps humain. Une défaillance dans un aspect peut annihiler les efforts dans les autres départements.

Jurizone: En parallèle aux dossiers d’intégrité en affaires, vous avez également travaillé sur des dossiers d’insolvabilité très médiatisés tout comme sur un dossier en droit de la consommation majeur au pays. Parlez-nous un peu de ce dernier.

Me Ayman Daher : C’est vrai. Lorsque j’étais chez BCF et Davis, j’ai eu la chance de travailler avec une équipe de litige expérimentée chapeautée par Mes Jean-Yves Fortin et Hubert Sibre. En gros, dans un de nos dossiers, nous avons poursuivi le géant des médias, Time, dans un dossier relatif à la légalité de stratagèmes visant à faire croire aux consommateurs qu’ils avaient remporté un tirage afin de les inciter à acquérir des biens et services. Le dossier a débuté en 1999 et la décision de la Cour Suprême, une victoire partielle pour notre client, surtout basée sur la Lois sur la protection des consommateurs et sur la Charte de la langue française, date de 2012.

Jurizone: Comment un cabinet comme le vôtre est-il en train de changer la façon dont le monde juridique ou le monde des affaires fonctionne ?

Me Ayman Daher : Je ne sais pas si je peux prétendre à un tel effet sur le monde juridique. Je crois que le monde change et nous suivons. Un petit cabinet comme le nôtre est peut-être simplement plus réactif au changement. Par exemple, le monde des exclusivités territoriales des barreaux, de notre point de vue, est dépassée. Nous travaillons de façon multi-juridictionnelles, en association avec des avocats locaux seulement lorsque nécessaire. Mais de plus en plus, les dossiers dépassent les frontières et nous nous adaptons.

Sinon, le plus gros changement, c’est la technologie, la disponibilité de l’information, la gestion de quantité assourdissante d’information, et l’intelligence artificielle. Le monde comptable, médical, d’ingénierie, etc. se sont pliés à ces changements. Mais le monde juridique n’est pas tout à fait là encore.

Nous croyons que l’avenir dans le monde juridique sera dominé par les cabinets qui comprennent que l’heure d’effort juridique d’un individu n’est plus l’élément déterminant de la rémunération de l’avocat. Par exemple, dans un dossier de litige d’envergure, il peut y avoir des millions de documents à réviser. Un cabinet qui propose à ses clients de mettre une équipe d’avocats pour regarder un document à la fois pendant des semaines va peut-être faire un profit substantiel sur ce dossier, mais à long terme va perdre le client en faveur d’un bureau qui achète une licence d’un programme comme Relativity qui fait cette même recherche de façon tout aussi rigoureuse en quelques heures.

Je crois que la pratique retourne à ces sources. C’est-à-dire à l’avocat penseur, partenaire de son client, stratège, conseiller. Moins que l’avocat technicien qui multiplie les heures d’efforts qui peuvent parfois être inutiles au client.

 

(c) Jurizone, 2017

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