Qui ne se rappelle pas de l’élection présidentielle américaine du mardi 7 novembre 2000? Elle opposait le candidat démocrate Al Gore (vice-président de Bill Clinton) au candidat républicain George Walter Bush (fils de Bush père). L’élection peut-être la plus controversée de l’histoire des États-Unis avait été marquée par une bataille judiciaire portant sur le dépouillement des votes dans l’État de la Floride (Jeb Bush, frère du candidat républicain, en était le gouverneur). Le mauvais fonctionnement de certaines machines à voter ou la difficulté à lire les bulletins de vote dans plusieurs circonscriptions de cet État avaient été à l’origine des recomptages auxquels a mis fin la Cour suprême fédérale des États-Unis le 12 décembre 2000. Elle avait rejeté, à 5 voix contre 4, la demande d’Al Gore pour obtenir le décompte manuel des bulletins de vote des comtés de Miami-Dade et de Palm Beach, deux comtés pouvant avoir une importante influence sur le résultat de l’élection. Malgré le fait que le candidat démocrate devançait son concurrent de près de 400 000 voix, le jugement de la Cour a confirmé l’élection de George W. Bush comme 43ième président des États-Unis.
Le rôle des tribunaux en cas d’élections aussi serrées comme les dernières aux États-Unis en 2000 est à un point tel important qu’il peut changer les résultats ultimes d’une élection. Cela pourra-t-il se reproduire aux élections présidentielles américaines du 2 novembre 2004 ? Tout est possible, particulièrement lorsque l’on voit les sondages très serrés entre le candidat démocrate John Kerry et l’actuel président George W. Bush.
Au Canada, lorsque l’on s’aperçoit qu’il y a des irrégularités dans les élections ou lorsque le partage des voix entre des candidats est serré, on a aussi recours aux tribunaux pour déterminer le gagnant. On procède alors au dépouillement judiciaire des votes.
Le jour d’une élection, une fois les bureaux de scrutin fermés, les scrutateurs de chaque circonscription font le dépouillement des votes. Ils doivent compter les votes en présence du greffier, des candidats ou de leurs représentants ou, à défaut, d’au moins deux électeurs après avoir pris certaines mesures qu’elles se résument au comptage des électeurs ayant voté, comptage des bulletins de vote annulés et ceux inutilisés puis à voir qu’il soit rendu compte de tous les bulletins de vote. Après le dépouillement, le scrutateur transmet les résultats au directeur du scrutin qui les annonce au public. Le directeur du scrutin, après avoir reçu les urnes contenant les bulletins de vote de tous les scrutateurs, devra valider les résultats dans les sept jours de l’élection en additionnant le total de chaque relevé du scrutin. Après la validation ou le dépouillement judiciaire, s’il y a lieu, le directeur du scrutin doit renvoyer au directeur général des élections un « bref électoral », mentionnant le nom du candidat ayant obtenu le plus grand nombre de votes.
Quant au dépouillement judiciaire, il peut être demandé, si, à la suite de la validation des résultats, il y a égalité ou si l’écart séparant le candidat ayant reçu le plus de votes d’un autre candidat est inférieur à un millième du total des voix exprimées dans la circonscription. Le directeur du scrutin peut demander ce dépouillement d’office, ainsi que tout électeur ou candidat par une requête en dépouillement au juge dans les quatre jours suivant la validation des résultats. Au Québec, la requête doit être adressée à un juge de la Cour du Québec du district judiciaire où se trouve la circonscription où s’est tenue l’élection. De plus, le requérant doit déposer, auprès du greffier du tribunal, un cautionnement de 250 $ en garantie des frais du candidat ayant obtenu le plus grand nombre de votes. Un avis écrit de la requête du directeur du scrutin doit alors être envoyé aux candidats ou à leurs agents officiels.
Pour que la requête soit acceptée par le juge, elle doit être soutenue par une déclaration sous serment, souscrite par un témoin de bonne foi, que : le dépouillement n’a pas été effectué correctement par le scrutateur; des bulletins de vote ont été mal comptés ou rejetés par erreur; le scrutateur a inscrit sur le relevé du scrutin un nombre de bulletins de vote inexact pour un candidat ou que le directeur du scrutin n’a pas additionné les résultats des relevés de scrutin correctement. Il suffit qu’une de ces situations se présente pour que le juge déclenche le dépouillement judiciaire dans les quatre jours suivant la réception de la requête.
Lors du dépouillement, seuls le juge, le directeur du scrutin, les candidats et au plus trois représentants par candidat peuvent y assister. Le juge procède selon les relevés des urnes ou recompte une partie ou la totalité des bulletins retournés par les scrutateurs. Après avoir terminé le dépouillement, scellé les bulletins de vote dans des enveloppes distinctes pour chaque bureau de scrutin, le juge certifie sans délai, par écrit, le nombre de votes obtenus par chaque candidat et remet le certificat au directeur du scrutin ainsi qu’une copie à chaque candidat. Enfin, le cautionnement est, s’il le faut, remis au candidat en faveur de qui le montant des frais est accordé.
Cependant, si, après le dépouillement judiciaire, il y a toujours égalité, le directeur général des élections doit, dans un premier cas, adresser un rapport au président de la Chambre des communes, à deux députés ou à deux candidats déclarés élus, avisant qu’aucun candidat n’a été élu dans la circonscription en raison de l’égalité des voix obtenues, et, dans un deuxième cas, publier dans la Gazette du Canada les noms des candidats qui ont obtenu le même nombre de votes en mentionnant qu’une élection partielle devra être tenue dans la circonscription.
Aux dernières élections fédérales en 2004, nous avons eu plus qu’un dépouillement judiciaire. En effet, on en avait dénombré huit où les candidats gagnants l’étaient d’une majorité variant entre sept et 282 voix. La circonscription Jeanne-Le Ber (Québec) en est un exemple. Après validation des résultats, l’écart entre les deux candidats en tête était de 35 votes, soit moins de 1/1 000e des 46 304 votes exprimés. Le directeur général des élections du Canada, Jean-Pierre Kingsley, avait alors annoncé le dépouillement judiciaire des votes. Dans six autres cas, malgré que la marge victorieuse fût supérieure à un millième, le dépouillement judiciaire a pu être demandé suite à des soupçons d’irrégularités. C’est habituellement le candidat arrivé en deuxième place qui fait cette demande mais tout électeur peut aussi le faire.
Sources : Élections Canada, Compendium de l’administration électorale au Canada, La documentation française