Les coupures dans le programme des bourses

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Par Véronique Lafleur  (2005)

Le PIRDESC, ça vous dit quelque chose? Dans les années 1970, les gouvernements du Canada et du Québec ont voulu se lier au Pacte International Relatif au Droits Économiques, Sociaux et Culturels. Se faisant, ils s’engageaient, en vertu de l’article 2 du PIRDESC, à « agir au maximum de leurs ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement et par tous les moyens appropriés le plein exercice des droits reconnus dans la Pacte ». Ces droits comprennent notamment le droit à l’éducation. En effet, à l’article 13, paragraphe 2 c), il est écrit que « l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité (…) par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité » et, paragraphe 2 e), « (…) établir un système adéquat de bourses (…) » Il est alors évident que les coupures dans le programme des bourses se font en contravention de nos engagements internationaux puisque ce n’est absolument pas un acte qui va dans le sens d’une progression vers la gratuité ni vers un système de bourses adéquat.

Aussi, pour mettre en oeuvre nos engagements internationaux, nous avons adopté la Charte et une série de lois visant les objectifs énoncés. Ainsi, en vertu de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale. « Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromette ce droit ». Les coupures dans le programme des bourses n’ont-elles pas justement pour effet de compromettre le droit de certains à l’éducation en pleine égalité des droits et libertés de la personne? Et cette exclusion n’est-elle pas justement fondée sur la base de la condition sociale? Il me semble que la réponse est clairement oui. La loi est donc en contradiction avec notre Charte.

De plus, sous un aspect un peu plus socio-économique, les coupures actuelles compromettent sérieusement la prospérité des québécois-es et ce, de différentes manières. Il est vrai que la génération qui détient actuellement les reines du pouvoir craint pour ses vieux jours et la retraite convenable qu’on lui a promis toute sa vie. Malheureusement, il semble qu’elle ait raison de s’en inquiéter. En effet, face à notre gros problème de dénatalité, on se demande où irons-nous chercher la main-d’oeuvre nécessaire au maintien du système public? Combien serons-nous pour soutenir, entre autres, le système de santé dont les personnes âgées seront de plus en plus dépendantes? La réponse : trop peu. La solution ne serait-elle pas alors de miser sur la qualité? Investir dans l’économie du savoir! Ainsi, bien que nous serons peu nombreux, des salaires plus élevés pourraient peut-être compenser. Mais non, notre gouvernement a plutôt choisi de couper les bourses. Les jeunes font déjà face aux choix suivants : étudier assez longtemps pour avoir un travail qui ne soit pas trop précaire et remettre le projet d’avoir des enfants à plus tard (le taux de fertilité diminue avec l’âge) ou avoir des enfants plus jeunes et donc, se trouver rapidement une place sur le marché du travail qui est de plus en plus précaire (voir, entre autres, les projets de loi en matière d’emploi qu’a adopté le gouvernement Charest). Ou encore, faire le choix difficile d’étudier et d’avoir des enfants en même temps. Ça se fait, mais à quel prix? Et surtout, qu’advient-il lorsque la famille devient monoparentale? Alors, imaginez avec les coupures dans le programme des bourses…

Il est essentiel pour la prospérité de toute société de maintenir une bonne coopération inter générationnelle. Elle est d’autant plus capitale si l’on se fie aux prévisions démographiques du Québec. Comment ne pas se rendre compte alors que les coupures dans les bourses sont peut-être payantes à très court terme, mais combien coûteuses à moyen terme et encore plus à long terme? Nous vivons encore à crédit.

Bref, en plus d’être illégales, ces coupures inspirent la crainte pour notre avenir. Il serait peut-être temps que nous nous inspirions de la Charte des droits des Homme et des peuples que les Africains ont adopté dont l’article 29 paragraphe 4 et 7, où il est écrit que « l’individu a en outre le devoir (…) de préserver et de renforcer la solidarité sociale et nationale, singulièrement lorsque celle-ci est menacée » et « de veiller, dans ses relations avec la société, à la préservation, et au renforcement des valeurs culturelles (…), dans un esprit de tolérance, de dialogue et de concertation et, d’une façon générale, de contribuer à la promotion de la santé morale de la société. »

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