La saga Armstrong : le cyclisme professionnel perd-t-il son intégrité ?

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 Par Me Marianne Saroli, avocate.

Nul ne peut nier que l’intégrité du sport est de plus en plus menacée. Au cours des dernières années, l’ingérence des substances améliorant la performance
athlétique a remis en doute le concept du sport « propre ». Une culture axée sur la gloire, les profits et la richesse semble désormais préconisée sur le sport lui-même.

Or, aucun autre sport ne peut prétendre connaître autant de scandales reliés au dopage que le cyclisme. Depuis la fin des années 1990, les histoires de dopage concernant le cyclisme s’enchaînent à répétition. Les cas de Puorto et de Landis démontrent clairement que la situation ne s’est guère améliorée depuis l’affaire de Festina.

Le 27 novembre 2007, T-Mobile, important commanditaire du cyclisme professionnel, a cessé ses investissements, indiquant qu’il ne voulait plus que son nom soit associé aux affaires de dopage[i]. Bien entendu, la perte de T-mobile a fait mal au monde du cyclisme et son orgueil en a été atteint. Malgré tout, force est de constater que de plus en plus de cyclistes contreviennent aux règlements antidopage et que l’affaire Armstrong n’est qu’un cas parmi tant d’autres.

Il fut une époque où il était le meilleur cycliste du monde. Or, Armstrong  ne peut désormais se vanter de ses sept titres de champion du Tour de France. Le 24 août 2012, déjà l’Agence antidopage américaine (ci-après « USADA ») avait banni à vie Armstrong du cyclisme professionnel. Aux termes d’un rapport de 202 pages, l’Usada a énoncé la teneur des accusations portées contre Armstrong le 10 octobre 2012.

Toutefois, c’est  le verdict de l’Union du Cyclisme International (ci-après « UCI ») qui était ultimement déterminant, car seule l’UCI a juridiction pour rendre des sanctions. Suivant les recommandations de l’USADA, l’UCI a rendu sa décision le 22 octobre dernier. Honte à lui et déshonneur pour le monde du cyclisme. Armstrong a été officiellement banni à vie du cyclisme professionnel par l’UCI et a été déchu de tous ses titres pour la période comprise entre 1999 à 2005. Ce verdict laisse cependant présager que l’UCI a été mise au pied du mur. C’est sa crédibilité qui était en jeu, car la science ne pouvait plus être niée à ce stade-ci[ii].

Le rapport croustillant que l’USADA avait soumis relativement aux pratiques interdites d’Armstrong s’étale sur 11 années, soit de 1998 à 2009. Ce rapport confirme l’utilisation de produits dopants par Armstrong, divulguant d’ailleurs que lors du Tour de France de 1999, ses tests d’urine exposaient dans six (6) échantillons des traces d’EPO[iii]. Vingt-six (26) personnes ont témoigné contre Armstrong dans le cadre dudit rapport. Parmi ces témoignages, ceux des cyclistes Tyler Hamilton et Floyd Landis accusent non seulement Armstrong de dopage, mais au surplus accusent l’UCI d’avoir camouflé les tests positifs[iv]. Eu égard à leurs témoignages, il est ressorti qu’Armstrong aurait payé l’UCI pour que son test positif lors du Tour du Suisse de 2001 disparaisse, ce que le président de l’UCI, Pat McQuaid, nie catégoriquement[v]. Parallèlement, rappelons nous que Hein Verbruggen, lequel était président de l’UCI de 1991 à 2005 a été accusé par Floyd Landis en mai 2010 d’avoir accepté 100,000.00$ de la part de Lance Armstrong pour avoir camouflé un contrôle positif en 2001[vi]. Bien entendu, ces accusations ont été démenties, spécifiant qu’Armstrong avait effectivement offert cette somme d’argent, mais pour l’acquisition d’une machine de type Sysmex servant à l’analyse des échantillons de sang[vii]. Curieusement, un chèque personnel de 25 000.00$ avait été émis en 2002 à titre de donation pour les contrôles de dopage des cyclistes juniors et un autre chèque de 100 000.00$ de la compagnie d’Armstrong en 2005 pour l’acquisition de la machine Sysmex[viii]. Un simple concours de circonstances ? Peut-être bien.

Ce rapport a la prétention de dénoncer les comportements indignes, les déclarations mensongères et la présence d’un système antidopage corrompu[ix]. Plusieurs croient que l’UCI a fermé les yeux pendant trop longtemps. Ce comportement est discutable, voir même réprimandable. Devons-nous alors blâmer le manque d’éthique et de déontologie au sein de l’UCI? Ou est-ce purement et simplement de l’aveuglement volontaire de leur part? Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dit-on.

Certes, intégrité et corruption sont au cœur du scandale Armstrong et ce, bien avant la question du dopage lui-même. L’UCI et principalement son président, Pat McQuaid, font l’objet de plusieurs reproches présentement. C’est pourquoi l’UCI a institué une commission indépendante et ses membres sont nommés en ce mois de novembre. Cette commission aura pour but d’enquêter sur la possible corruption dans le dossier Armstrong. Le rapport devra être rendu d’ici le 1er juin 2013.

Bien qu’il soit désormais banni à vie du cyclisme professionnel, Armstrong n’est pas pour autant à l’abri d’autres poursuites judiciaires tant civiles que criminelles[x]. Le 30 novembre 2005, lors d’une séance d’arbitrage à Dallas, il avait déclaré sous serment qu’il n’avait jamais fait l’utilisation de produits dopants au cours de sa carrière[xi]. Ce parjure pourrait lui réserver le même sort que Marion Jones dans le scandale Balco, laquelle avait été condamnée à six mois de prison dans une affaire semblable.

Étonnamment, l’UCI a décidé ne pas faire appel de la décision du Tribunal arbitral du sport. L’UCI a pourtant été pointé du doigt par l’USAD pour complaisance à l’endroit d’Armstrong. À la lumière de ces faits, devons-nous en conclure que chaque victoire a un prix? Suivant ce verdict, la crédibilité de l’UCI est inévitablement mise en doute en ce que le concept du sport « propre » en est gravement atteint. Et au-delà de sa crédibilité, c’est la réputation de l’UCI qui risque d’être ternie. L’UCI a-t-elle intentionnellement caché les tests positifs de son athlète chéri pour préserver son image? Nul ne le sait. Chose certaine, l’UCI devra faire des pieds et des mains pour redorer l’intégrité de son sport.


[i]  Ian AUSTEN, Cycling’s Drug Problem Leads T-Mobile to End Sponsorship, 28 Novembre 2007, en ligne :

[ii] Guillaume Bourgault-Côté,  Affaire Lance Armstrong – La parole, la science et les gendarmes contre les faussaires
27 octobre 2012, en ligne :

http://m.ledevoir.com/sports/actualites-sportives/362523/la-parole-la-science-et-les-gendarmes-contre-les-faussaires

[iii] Jeré LONGMAN, Dark Turn in the Tale of a First Tit, 10 octobre 2012, en ligne :

[iv] Nick Hoult, UCI chief condemns Lance Armstrong’s whistle-blowers Floyd Landis and Tyler Hamilton as ‘scumbags’, 22 octobre 2012, en ligne: http://www.telegraph.co.uk/sport/othersports/cycling/lancearmstrong/9626832/UCI-chief-condemns-Lance-Armstrongs-whistle-blowers-Floyd-Landis-and-Tyler-Hamilton-as-scumbags.html

[v] Id.

[vi] Stephen Farrand, McQuaid reveals Armstrong made two donations to the UCI , 10 juillet 2010, en ligne: http://www.cyclingnews.com/news/mcquaid-reveals-armstrong-made-two-donations-to-the-uci

[vii]  The Associated Press, Ex-UCI head says Landis was warned , 8 juin 2010, en ligne: http://sports.espn.go.com/oly/cycling/news/story?id=5263785

[viii] Id.

[ix]Guillaume Bourgault-Côté, loc. cit., note ii

[x] Ian Austen, Report Could Open Armstrong to Legal Issues, 12 octobre 2012, en ligne: http://www.nytimes.com/2012/10/13/sports/cycling/usadas-report-could-create-new-legal-issues-for-lance-armstrong.html?pagewanted=all&_r=0

[xi] Laurent TELO, Lance Armstrong déchu de ses titres par l’UCI, 22 octobre 2012, en ligne :

http://www.lemonde.fr/sport/article/2012/10/22/lance-armstrong-dechu-de-ses-titres-par-l-uci_1779158_3242.html

Tous droits réservés (c) Marianne Saroli, 2012

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